L’art des frères Brizzi ne correspond pas seulement à l’acception commune de Bande Dessinée. Voici la carrière des jumeaux Paul & Gaëtan en commençant par l’animation avant d’étudier leur magnifique production graphique.
L’animation
Nés en Italie élevés en France, ils sont imprégnés de cette double culture importante dans la culture occidentale. Passés par l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, ils réalisent un film de 5 minutes remarqué par Paul Grimault qui trouve le titre « Un » qui va leur mettre le pied à l’étrier.
C’est l’histoire surréaliste et naïve d’une créature tout juste née qui doit faire face à son être intérieur pour recouvrer la liberté.
Ils sont en 1976 pensionnaires de la Villa Médicis à Rome suite à leur proposition de film d’animation « Fracture ».
A la suite d’un bouleversement naturel qui a anéanti toute civilisation, les végétaux ont repris leurs droits et règnent sur la planète en dominateurs. Un homme a cependant survécu au cataclysme et va tenter de tirer parti de l’extraordinaire énergie transmise par les plantes.
Dans ce film les deux frères laissent libre cours à leur imagination débordante à tel point que l’on se pose la question de l’usage éventuel de produits illicites pour sa création !
N’étant pas scénariste leur écriture c’est le dessin en étant « metteur en scène » sans avoir écrit de scénario précis avant de réaliser ces premiers court-métrages.
C’est aussi ce qui constitue leur spécificité première, la création de storyboard, qui sera sur l’ensemble de leur carrière un élément singulier leur permettant de pouvoir être à mi-chemin de l’animation et du graphisme pur annonciateur des ouvrages à venir. Ils en ressortent avec une vision claire de ce que doit être un réalisateur : avoir une vision de son film et avoir la capacité de la transmettre et la communiquer à son équipe.
Première incursion dans l’animation en 1984 pour « Astérix et la surprise de César », en reprenant le projet, dont le premier réalisateur anglais avait été renvoyé, et qui tournait à l’échec, les Brizzi passent réalisateurs pour boucler le film en 1 an et qui finalement fera 5 millions d’entrée en France.
Même si pour les Brizzi, du fait de la contrainte de temps liée au changement de réalisateur et aux dérives de l’agenda antérieures, certaines scènes ne sont pas aussi bien peaufinées qu’espéré, c’est aussi la première occasion de diriger une équipe internationale dans le cadre d’un projet piloté par une major française : Gaumont.
1986 Création des studios Brizzi à Gentilly puis à Montreuil avec une équipe entre 25 et 40 personnes suivant la charge de travail du studio dans un environnement de compétition avec les studios japonais et canadiens.
Ils vont réaliser et produire au commencement principalement pour la télé avec une série comme « Le Piaf » avec 200 épisodes d’une minute diffusée sur Canal+.
Le studio crée à la même période les saisons 1 et 2 (sur 6 saisons) de Babar diffusé également au départ sur Canal+. Dans ces productions les frères s’occupent de la mise en scène et le storyboard, leur équipe s’occupant de l’animation
En 1989 le Studio Brizzi est approché par Disney Walt Disney Animation France an nez et à la barbe de Canal+, un partenariat est signé d’abord pour alimenter les chaines à péage Disney puis de plus en plus avec les studios de Los Angelès. C’est dans cette dynamique qu’est né le premier long métrage Disney non créé aux états unis : La bande à Picsou : Le trésor de la lampe perdue.
Bande annonce « Le trésor de la lampe perdue » :
La collaboration est de plus en plus étroite et en 1994 le Studio Brizzi change son nom pour devenir l’entité « Walt Disney Feature Animation France », les frères Brizzi en gardant la direction. Article sur le rapprochement : : https://www.lesechos.fr/1994/10/disney-delocalise-une-partie-de-la-fabrication-de-ses-cartoons-a-paris-890760
Ne voulant plus être qu’« exécutants » pour les studios de Los Angelès, ils veulent pouvoir être intégrés et impliqués plus en amont, les studios Disney leur propose de venir aux US pour «tenter leur chance». Dans ce nouveau contexte ils vont temporairement s’installer de l‘autre côté de l’Atalntique.
Sensibles à l’expressionisme allemand ils vont s’inscrire dans un projet ou l’ombre et la lumière tisse une trame dramatique plus en rapport avec l’esprit de ce prologue.
Le studio de Montreuil va également travailler sur Tarzan et Kuzco, mais surtout sur le projet initié par Roy Disney le neveu de Walt qui, à l’approche de l’an 2000, décide de monter un nouveau « Fantasia » appelé « Fantasia 2000 ».
Il choisit « L’oiseau de feu » de Stravinsky pour la séquence finale et en donnant carte blanche aux jumeaux. Le thème choisi a été la reconstruction de la nature après une éruption lorsque tout a été détruit symbole de la renaissance après la mort. A cette occasion, les Brizzi font référence à l’influence du symbolisme belge, (Fernand Khnopff, Jean Delville,…) qu’ils affectionnent.
Après ce film les Studios Disney laissent la possibilité aux frères Brizzi de développer leur projet. Ils ont donc travaillé pendant 2 ans sur la préparation de « Don Quichotte ». Ce sujet faisait partie des projets dans les tiroirs de Disney mais qui n’avait jamais abouti. Malheureusement bien que 2 heures de Story Board aient été réalisé, encore une fois le projet va capoter, Disney décidant qu’un vieil homme ne pouvait pas être un héros et que les enfants ne pourraient pas s’identifier à lui. Mais cette idée allait rester dans la tête des frères…
Les Brizzi vont ensuite collaborer avec Dreamworks, créé par Spielberg, Katzenberg et Greffen. Jeffrey Katzenberg, pensait suite à la disparition accidentel de Franck Wells, prendre sa succession en temps que COO, mais le conseil d’administration de Disney ainsi que Carl Eisner le PDG ont refusé, raison pour laquelle il a rejoint Dreamworks.
Ils vont donc travailler sur Souris city :
…et également sur 2 autres projets :
- Ruby Tuesday, en tant que mythe de Faust, le projet étant imaginé en animation 3D basé sur des chansons des Rolling Stones. Produit par EuropaCorp (Luc Besson) et Jagged Films (la société de Mick Jagger), ce film devait avoir un budget de 40 millions de dollars. Besson et Jagger n’arrivant pas à s’entendre, le projet a été abandonné.
- Moby Dick. Le film a été finalement abandonné, Jeffrey Katzenberg pensant que cette histoire, basée sur la vengeance, ne pouvait pas trouver sa place juste après les attentats du 11 septembre 2001.
Le dernier projet d’envergure dans le domaine de l’animation est « Le prophète » basé sur le livre de Gibran Khalil Gibran publié en 1923. Produit pas Slama Hayek le film est sorti en 2015. L’adaptation reprend des thèmes universels : amour, enfants, nourriture, mariage, liberté, le bien et le mal et enfin la mort. Chaque thème étant traité par un illustrateur/animateur connu celui de la mort l’étant par les frère Brizzi. C’est le même principe que celui de « Fantasia ».
Les frères Brizzi se sont éloignés de l’animation, mais pour autant ils continuent une carrière brillante dans la bande dessinée, développée dans un prochain chapitre.
Alors abonnez-vous pour ne rien manquer de cette étonnante saga.
Pascal Diancourt
