Drôle et dérangeant, léger et lourd, jouissif et agaçant, le nouveau film du duo Kerven/Delépine dynamite nos comportements et notre société.
L’histoire
Dans un lotissement en province, trois voisins sont en prise avec les nouvelles technologies et les réseaux sociaux. Il y a Marie, victime de chantage avec une sextape, Bertrand, dont la fille est harcelée au lycée, et Christine, chauffeur VTC dépitée de voir que les notes de ses clients refusent de décoller. Ensemble, ils décident de partir en guerre contre les géants d’internet. Une bataille foutue d’avance, quoique…
Le film
Les nouvelles technologies font des merveilles nul n’en disconviendra. Mais en parallèle elles génèrent de notre part des comportements excessifs parfois provoqués et souvent réclamés… la poule et l’œuf !
Dans Effacer l’historique, vaste jeu de déconstruction de notre rapport au numérique, on se confronte au surendettement, aux séries addictives (tout comme au téléachat), aux sextapes, aux notations abusives (et désormais tellement impliquantes, cf la série Black Mirror), à la surconsommation, au droit à l’oubli, aux attentes sans fin d’interlocuteur téléphonique, aux numéros surtaxés, au cynisme ambiant, au chacun pour soi, aux gilets jaunes…
Goguenard et en demi-teinte, comme toujours, Kervern/Delépine laissent leurs personnages (et leurs acteurs) se dépatouiller de leurs contradictions et de leurs compromissions comme nous le faisons tous au quotidien… et sans doute certains plus que d’autres !
Car, c’est bien là la force de ces réalisateurs de filmer un quotidien rarement montré au cinéma sous cette forme humoristique. La France périrubaine, les ronds-poinds, les centres commerciaux, les agences d’intérim, les bars pour célibataires, les trajets en bus, une campagne qui ne l’est plus… l’accumulation et l’éparpillement, la concentration et l’abandon.
Alors, on pourra reprocher une certaine absence de mise en scène et de perspective qui aurait peut-être pu donner une profondeur sans doute nécessaire à ces propos critiques sur notre monde. Cependant, la forme cinématographique adoptée par les 2 cinéastes consistant à laisser vivre l’histoire leur est propre et crée les conditions de leur succès. On regrettera simplement ce qu’induit en termes de consistance de l’intrigue un tel à priori.
Et on notera avec plaisir ce trio d’excellents d’acteurs, constitué de Corinne Masiero, Blanche Gardin et Denis Podalydès, par qui on retrouve cette forme de poésie rencontrée dans Le grand soir, Mammuth et Louise Michel.
🙂 🙂 🙂