Dans Nature humaine, chez Flammarion, Serge Joncour qui vient de décrocher le Prix Femina 2020 mêle l’intime et l’histoire nationale. Une fresque rurale et sociale, entre progrès et catastrophes écologiques.
L’histoire
La France est noyée sous une tempête diluvienne qui lui donne des airs, en ce dernier jour de 1999, de fin du monde. Alexandre, reclus dans sa ferme du Lot où il a grandi avec ses trois sœurs, semble redouter davantage l’arrivée des gendarmes. Seul dans la nuit noire, il va revivre la fin d’un autre monde, les derniers jours de cette vie paysanne et en retrait qui lui paraissait immuable enfant. Entre l’homme et la nature, la relation n’a cessé de se tendre. À qui la faute ?
Dans ce grand roman de « la nature humaine », Serge Joncour orchestre presque trente ans d’histoire nationale où se répondent jusqu’au vertige les progrès, les luttes, la vie politique et les catastrophes successives qui ont jalonné la fin du XXe siècle, percutant de plein fouet une famille française. En offrant à notre monde contemporain la radiographie complexe de son enfance, il nous instruit magnifiquement sur notre humanité en péril. À moins que la nature ne vienne reprendre certains de ses droits…
Le livre
Histoire d’amour, histoire de la fin du XXe siècle en France, histoire de l’activisme, histoire des rapports humains, histoire d’un basculement de nos sociétés… Nature Humaine est tout cela à la fois dans une forme d’auberge littéraire espagnole et contemporaine.
Ses 400 pages nous résument près de 30 années d’histoire de France avec ses transformations, ses acquis et surtout ses abandons. Politique et sociale, locale et globale, personnelle et universelle… Nature humaine dresse nos portraits à l’aune d’un basculement de société à la fois subi et appelé.
Des agriculteurs du Lot on retient un amour immodéré de la terre, mais également une conscience aigue de ce qu’il faut opposer à ce qui vient sans pouvoir in fine avoir d’impact sur sa propre vie.
La mondialisation, le nucléaire, le changement en fin de compte sont le décor de cette histoire d’agriculteur mais qui, en fait, est bien plus que cela. Elle est surtout la démonstration de la marche du monde. L’exemple en est donné par le comportement des sœurs du « héros » impatientes de rejoindre la ville pour elle synonymes de Vie.
Le téléphone, dont les jeunes générations ignorent le bouleversement que son déploiement a amené avec lui, s’impose en territoire rural par ses poteaux bourrés d’arsenic et viennent inventer un nouveau rythme à nos routes de campagne de l’époque. Qui s’en soucie aujourd’hui à l’heure de la 5G ? Même si nos informations sont plus complètes sur le sujet… Il y a aura toujours des détracteurs et toujours des forces prêtes à nous pousser à aller plus avant, quand bien même cet avant nous serait nuisible.
Nature humaine traite aussi du monde qui va : Tchernobyl, Mai 1981, Mitterand, les supermarchés, le libéralisme, le combat de groupuscules contre le crépuscule qu’il prévoient, l’ennui de certains dans les campagnes, le « marketing » de la vie citadine… Le livre constitue une forme de western lent, contemplatif et pourtant bien ancré dans les réalités et une terre à l’époque omniprésente dans nos vies.
Nature humaine, un bon titre pour y réfléchir…
🙂 🙂 🙂
Interview de l’auteur
Le livre à la FNAC (mais c’est évidemment mieux chez votre libraire)
https://livre.fnac.com/a14848084/Serge-Joncour-Nature-humaine#omnsearchpos=1
Citation
« Pendant ce temps-là la mère regardait dehors, le voyage harmonieux virait à l’empoignade, et pourtant, dans un accès de nostalgie anticipée, elle pensa à ce qu’il resterait de sa turbulente famille d’ici quelques années, quand les filles ne seraient plus là. D’avance elle savait que ça se terminerait comme chez les Jouansac et les Berthelot, ces fermes dont tous les enfants étaient partis en ville, résultat ils ne se voyaient plus qu’à Noël ou à Pâques, le 14 juillet et à la Toussaint, la vie de famille finissait un jour par se caler sur la calendrier catholique et républicain. »