Dans Deux mètres dix, l’auteur Jean Hatzfeld nous dresse le portrait de 4 athlètes américains et kirghizes, femmes et hommes. Pourquoi, comment et qu’en reste t-il ? Des questions toujours ouvertes, une fois le livre fermé !
Le Pitch
“— 2,10 mètres, dit Sue. — Oui, 2,10 mètres, alors ? — Depuis le temps, des filles l’ont passé ? — Non, j’ai entendu qu’elles se cognent toujours le nez dessus. — Tu en dis quoi ? — Je ne sais pas. La barre nous attend.” Histoire de quatre sportifs de très haut niveau, entre les Jeux olympiques de 1980 et aujourd’hui : deux champions haltérophiles, un Américain du Missouri et un Kirghize ; deux sauteuses en hauteur exceptionnelles, une jeune Américaine et une Kirghize d’origine koryo-saram. Leurs rivalités sont mêlées d’admiration et d’incompréhension réciproques, parfois extrêmes, qui, des années plus tard, donneront lieu à des retrouvailles inattendues dans les montagnes kirghizes. Jean Hatzfeld raconte l’univers sportif dans le contexte tendu de l’époque (guerre froide, déportations dans le bloc soviétique…) qui cabossera ses héros. Il porte aussi un regard très aigu sur les gestes des champions jusqu’à rendre poétiques les sauts en hauteur de Sue et Tatyana et leurs corps délivrés de la pesanteur. Les haltérophiles sont peints dans la puissance héroïque de leur musculature et de leurs rituels, telles des créatures fabuleuses.
Le livre
Deux mètres dix est un roman. Il est important de le lire avec ce paradigme en tête, sous peine de grande déception. En effet, même si l’on peut penser que Hatzfeld traite de la dictature, d’oppression politique voir de dopage… (tout de même de façon légère), le premier sujet en reste le sport avec pour figures de proue le saut en hauteur féminin et la lutte masculine.
Or, non seulement les athlètes sont rivaux dans les salles et les stades mais la guerre froide et la rivalité entre les États-Unis et l’Union Soviétique ajoutent un antagonisme politique à celui de la compétition.
Jusque là tout va bien. Et si l’on perçoit un style coulant, de délicates observations sur le temps qui passe et la nécessité de prendre du recul sur nous-même, il est tout à fait plausible de lire cet ouvrage avec plaisir et une immense facilité.
Pourtant, tout est imaginé, rien n’est vrai (d’un point vue sportif tout du moins), et la construction du livre déroute dans ces circonvolutions : l’improbable lettre de la Kirghize d’origine koryo-saram à la jeune américaine, l’arrivée tardive et quelque peu “capillo-tractée” des lutteurs dans le récit, et une légèreté de traitement pour un sujet qui aurait pu être bien plus dense.
Tout cela a un certainement un sens. Mais, quand même bien il nous échapperait, on fait face malgré tout à un récit plaisant et distrayant.
Bonus
La vraie histoire est tout autre : à Helsinki en 1982 l’Allemande de l’Ouest Ulrike Meyfarth bat celui du saut en hauteur (2,02 m – ancien record 2,01 m par Sara Simeoni). et le record mondial actuel est détenu par la roumaine Stefka Kostadinova à 2m09 !
Interview de l’auteur
“J’étais journaliste sportif à cette époque-là, j’ai vécu le boycott des Jeux olympiques d’été de 1980 (à Moscou), puis celui de Los Angeles quatre années plus tard, donc on a vécu ces tensions, ces déceptions (…) La guerre me passionnait, tout comme le sport, alors ça faisait un peu partie de mon imaginaire et de mon histoire…”.
😉 😉
Le livre à la FNAC, mais c’est toujours mieux chez votre libraire : https://livre.fnac.com/a12093551/Jean-Hatzfeld-Deux-metres-dix?omnsearchpos=2