Tout le monde connait ces rectangles de couleur des tableaux de Rothko : on passe parfois devant eux un peu vite… L’exposition de la Fondation Vuitton à Paris permet d’en voir l’évolution au fil de la vie du peintre, et de mesurer ce qu’il faut bien appeler le mystère de leur séduction, lorsque l’on est face aux œuvres originales, textures et lumière intactes.
Les premières salles montrent les œuvres d’un peintre expressionniste, un peu maladroit, chez qui on devine l’influence de Magritte, puis de Dali ou Miro, mais chez qui on voit déjà les couleurs s’organiser en un jeu de pressions par le contact des lignes et des volumes, même si ce sont encore des figures qui les portent.
Et puis les figures disparaissent, on ne reconnait plus rien sur quoi s’épancher, ni personnages ni situations ; et les formes de couleur prennent le relais. Et la magie opère. On est touchés par un bleu d’où rayonne une lumière intrigante, on est ému par la profondeur d’un vert émeraude dont le bord tremble sur une ligne claire…
Ça parait ridicule, dit comme ça ? Essayez… Comment les seuls éléments matériels, sans signification, sans représentation, peuvent-ils à ce point fixer notre attention, nous faire partir ailleurs, nous interroger? On pense à la musique, bien sûr, art non-représentatif, qui fonctionne sans « sujet », mais on devine aussi qu’aux marges de la poésie, du théâtre, du cinéma, de la peinture, de la sculpture, ce sont les mêmes effets de la forme qui viennent nous émouvoir au-delà des histoires et des situations reconnaissables, et on va lire et regarder autrement, grâce à Rothko…
Vincent Amiel
https://www.arte.tv/fr/videos/112248-000-A/mark-rothko-la-peinture-vous-regarde/
htttps://fr.wikipedia.org/wiki/Mark_Rothko